Interventions

27 janvier 2011 - Discours de Pascal Savoldelli à l'occasion de la cérémonie autour de "l'arbre aux enfants" en mémoire des enfants juifs morts en déportation qui s'est tenue cette année le 27 janvier 2011.

Chaque année, nous nous retrouvons auprès du jeune chêne qui avait donné lieu, en 2008, à une très belle initiative la semaine de la mémoire en l’honneur des 9 enfants juifs d’Ivry disparus en déportation…
Au nom du Président Christian Favier, je ne peux que me réjouir avec Chantal Bourvic, de voir que le Parc des Cormailles est réellement devenu un espace de partage et de citoyenneté. Votre présence ici l’atteste.
Je salue l’Association pour la Mémoire des enfants juifs déportés d’Ivry et la municipalité d’Ivry pour leur engagement permettant de mobiliser nombre d’enfants dans différentes écoles et collèges de la Ville et de montrer s’il le fallait, l’importance de ce travail de transmission de la mémoire à toutes les générations et tout particulièrement aux jeunes générations. Je tiens à saluer la contribution active des enseignant à cette commémoration en organisant au sein de leurs écoles la participation des enfants à cette matinée.

Entre 1940 et 1944, le régime de Vichy collabore activement avec l'Allemagne nazie, notamment pour la « solution finale », décidée en 1942. La déportation de tous les juifs de France devient alors effective. Juste avant la grande rafle du Vél'd'Hiv, le 4 juillet 1942, le sort des enfants est décidé : ils seront également déportés, « par humanité », propose Laval aux Allemands, avec l'idée qu'il ne faut pas séparer les enfants de leurs parents.
Les 16 et 17 juillet 1942 : 4 051 enfants sont déportés.
Durant la période de l'Occupation, 10 147 enfants sont déportés ; avec les enfants morts dans les camps d'internement, on estime à 11 600 le nombre d'enfants disparus. En parallèle, dès 1942, des réseaux de camouflage d'enfants sont mis en place : 62 000 enfants sont alors cachés et survivent.
Sauvés, ils vivront néanmoins la destruction de tout ce qui est au fondement de la vie d'un enfant : la croyance en la protection des adultes. Souvent séparés de leurs parents, les enfants juifs sont exposés à des attaques de filiation, à des pertes, des privations, des frayeurs multiples. Enfants de migrants, ils sont d'autant plus vulnérables.
Les traces de ces traumatismes sont encore là aujourd'hui. Les adultes qu'ils sont devenus sont lourdement affectés psychiquement, les pertes et les deuils deviennent impossibles à supporter et ce vécu a forcément un impact sur leurs propres enfants.
Comment pourrait-il en être autrement … ?
Comment imaginer qu’un enfant puisse sortir indemne d’une clandestinité qui l’expose à un processus de déculturation et d’isolement moral tel … qu'une fois sortis de leur cachette, certains ne reconnaissent plus leurs parents, parlent le patois, portent un autre prénom, voire un autre nom, et adhèrent parfois à une autre religion ?

Dans la France d’aujourd’hui, c’est la précarité qui porte atteinte aux droits des enfants. Les deux millions d’enfants qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté (950 euros par mois, après le versement des aides sociales) dans notre pays cumulent les inégalités et subissent un déterminisme social effrayant.
« De jeunes mamans sortent aujourd’hui de la maternité sans savoir où elles vont trouver un abri pour le soir même. Dans ce cas, la femme est fragile, le lien entre elle et son bébé a du mal à se mettre en place, c’est à ce moment que de nombreux placements à l’aide sociale à l’enfance sont décidés ». Ce sont les paroles de Dominique Versini, ex-défenseur des Droits de l’enfant qui a choisi de dire combien la précarité était un poison pour les enfants de notre pays. Ses services ont remarqué que, au-delà des situations de maltraitance, les enfants placés (143 800 en 2009) sont très majoritairement issus de familles en difficultés, sociale et économique.
Par son travail, elle a constaté que plutôt que d’opter pour des mesures d’accompagnement adaptées (aide à la gestion budgétaire, soutien à la fonction parentale, action éducative à domicile…), les services sociaux placent les enfants pauvres. Cette hantise de voir leurs enfants placés fait que les familles les plus fragiles et les plus pauvres « finissent par fuir les institutions, même l’école qui a souvent des choses à leur reprocher ».
La loi du 5 mars 2007, qui réforme la protection de l’enfance, avait pourtant fait du maintien des liens familiaux un objectif majeur mais le transfert des compétences aux départements sans les financements suffisants a ruiné cet espoir. Le Fonds de protection de l’enfance (150 millions d’euros) qui devait aider à la mise en œuvre de la loi a fondu des deux tiers. Les lois récentes du gouvernement, dures aux pauvres, sont inquiétantes, comme la suppression des allocations familiales en cas d’absence des enfants à l’école, le durcissement de la politique d’immigration qui entrave le regroupement familial et envoie des enfants en centre de rétention, sans parler de l’évolution de la justice des mineurs, « focalisée sur l’acte et non sur la personnalité de l’adolescent ».
La loi hôpital, patients, santé, territoires oublie la prévention. C’est une médecine à deux vitesses qui guette les enfants pauvres : ils fréquentent de plus en plus les urgences hospitalières, ce qui crée une discontinuité dans leur parcours de soins. L’obésité et les grossesses précoces les guettent.
Dans la France d’aujourd’hui, ce sont aussi près de 5 000 enfants roms, vivant en squats ou en bidonvilles, qui ne sont pas scolarisés. Ce scandale dure depuis plus de dix ans. Ce sont des milliers d’enfants qui vont devenir des adultes n’ayant que peu ou pas eu accès à la culture, aux apprentissages… alors qu’ils viennent avec leurs familles et aspirent à une vie meilleure.
Comment admettre que dans notre pays, de telles situations perdurent ?

En France, chaque jour la Convention internationale des droits de l’enfant dont nous venons de fêter les vingt ans est bafouée. Pour tristes exemples, à Orly, le 7 février 2010, deux enfants sont morts dans l’incendie de leur cabane précaire : Stefan, trois ans, était scolarisé depuis quatre mois.
À Choisy-le-Roi, un jeune garçon de six ans a fait sa première rentrée en décembre 2009 ; en août 2010, sa famille était expulsée de leur cabane de fortune vers un autre département. Cet enfant a connu deux mois d’école.

L’action sociale est le cœur de métier des Départements. Elle constitue même la part prépondérante de leurs budgets de fonctionnement, le montant s’élève à 32 milliards en 2010. Ceci fait des Départements des boucliers sociaux permettant de protéger les populations, notamment les plus fragiles.
Le Conseil général du Val de Marne prend au sérieux sa mission de protection de l’enfance et ce qu’elle implique comme soutien financier, matériel et d’accompagnement social pour garantir une scolarisation effective de tous les enfants.
Son action vient non seulement en soutien aux familles, mais elle développe des réponses publiques et solidaires permettant d’accueillir les enfants eux-mêmes, de les accompagner au quotidien, de leur permettre d’accéder aux soins, les aider à la socialisation et à l’apprentissage dans les meilleures conditions possible.
En effet, de la naissance, avec le suivi des femmes enceintes et des enfants de moins de 6 ans en passant par la Protection maternelle et infantile, la protection de l’enfance est l’un des tout premiers postes du budget départemental .
C’est un champ d’intervention très encadré par la législation mais qui en même temps est propice au développement de politiques pouvant aller au-delà des compétences obligatoires. Et c’est bien dans ce cadre, autrement dit, de la compétence générale, que le département du Val-de-Marne se singularise grâce à des politiques particulièrement volontaristes dans une multitude de domaines…
Dans le domaine de l’éducation notamment, le Conseil général articule sa politique avec celle en faveur de la jeunesse. Il y ancre les problématiques de protection de l’enfance, facilite une éducation à la santé, simplifie les liens avec les parents, sensibilise sur les questions liées à l’alimentation ou encore à l’environnement…
Sans retirer rien à la responsabilité de l’Etat qui conserve celle de l’Education nationale, par ailleurs, « bien » malmenée par la politique gouvernementale qui ne cesse de réduire les dépenses publiques et la réponse au plus près des populations.
Un autre volet d’intervention auprès des jeunes, ce sont les politiques culturelles qui sont développées là aussi de façon très volontariste.
Cette action procède d’une réflexion partagée avec l’ensemble des institutions et des professionnels qui travaillent autour des questions liées à l’enfance : l’Éducation nationale, la Protection judiciaire de la jeunesse, les associations ainsi que les intervenants des établissements et services de la protection de l’enfance.
Elle résulte d’une démarche politique qui place l’enfant et sa famille, au cœur du dispositif qui a permis de mettre en place le dispositif de la « Maison de l'Adolescent » ainsi que celui de la prévention des violences entre filles et garçons au sein des collèges.
Les enfants en danger font également partie de la préoccupation majeure de la collectivité départementale. A ce titre, elle a renforcé sa capacité à repérer de telles situations en créant notamment la cellule de recueil des informations préoccupantes ce qui permet de repérer aujourd’hui près de 2 500 cas, contre 90 en 2002.

Ce lundi 24 janvier, le Conseil général du Val de Marne a adopté son second schéma de prévention et de protection de l’enfance. Il s'inscrit dans la continuité de son intervention en la matière et dans le but de « prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs » autour de l’idée de mieux identifier et de donner plus de sens encore à cette politique publique essentielle pour les plus jeunes.

Pour ces enfants, nos enfants d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, qu’ils soient de parents juifs d'Europe centrale ayant fui l'antisémitisme ou de parents ayant fui la persécution, la faim ou la misère, la France était une terre d'accueil. Unissons nos efforts pour faire qu’elle redevienne pour eux protectrice et accueillante en défendant nos acquis et en réaffirmant les principes fondamentaux qui doivent régir une société humaine et moderne.